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Novembre 2020 : Le Chercheur du mois – Adrien Bonache

Maître de conférences en sciences de gestion à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté. Il enseigne le contrôle de gestion et les systèmes d’information à l’IAE Dijon.
Au sein du Centre de Recherche en Gestion des Organisations (CREGO), il co-anime une équipe de recherche sur le pilotage, la comptabilité et le contrôle des organisations. Il s’est prêté ici au jeu des questions/réponses pour nous présenter ses thématiques de recherche, les méthodologies de travail mises en œuvre (aspect épistémologique, méthodes d’analyse des données très fréquemment utilisées), ainsi que les données utilisées.

1- Biographie (présentation du chercheur : parcours, formation, professionnelle, Présentation de votre laboratoire d’appartenance)

Après une classe préparation aux grandes écoles, j’ai réalisé la fin de mes études à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Cachan au département d’économie et gestion, et à l’Université de Sciences et Techniques de Montpellier au Centre de Recherche en Gestion des Organisation (CREGOR). A l’ENS, j’ai préparé le concours de l’agrégation d’économie et gestion comptable et financière. Au CREGOR, j’ai réalisé une thèse sur le lien entre contrôle et complexité. Après cette thèse, j’ai enseigné à l’IAE Dijon pendant deux ans et ensuite en tant que maître de conférences à l’Université d’Auvergne. Actuellement, je réalise mes travaux de recherche au Centre de Recherche en Gestion des Organisations des Universités de Bourgogne, Franche-Comté et Haute Alsace dirigé par la Professeure Angèle Renaud. Au sein de ce centre de recherche, j’anime, avec le Professeur Pascal Fabre, une équipe de recherche sur le pilotage, la comptabilité et le contrôle des organisations. D’autres équipes du centre fédèrent les chercheurs en gestion des trois universités sus-mentionnées : la FARGO, le CERMAB et le RHESO, sans mentionner les axes transversaux.

2 - Quelle est votre méthodologie de travail (aspect épistémologique, méthodes d’analyse des données très fréquemment utilisées)

Par ma méthodologie, je peux être qualifié de réaliste critique et de comportementaliste. D’une part, ma posture épistémologique emprunte au réalisme critique. Pour faire simple, je me base sur des théories certes imparfaites pour obtenir des explications provisoires en termes de liens de causalité. Avec des observations et méthodes aussi imparfaites, je tente ensuite de faire des inférences sur la plausibilité de ces théories. D’autre part, à partir de ces théories, je suppose des relations entre des concepts mesurables la performance, la participation, la motivation, le stress… Ces relations supposées sont ensuite évaluées au regard de données collectées. Je n’ai alors aucune méthode d’analyse de données privilégiée, cela dépend de la théorie, du modèle associé et des données. Lorsque suffisamment d’études existent sur une relation, pour évaluer des effets moyens et rassembler le plus de variables dans un modèle ou pour lire de façon critique les études, j’utilise des méta-analyses ou des analyses de puissance. En conclusion, sur le plan méthodologique, je reste très ouvert et sceptique. 

3 - Quelques références bibliographiques sur les méthodes utilisées

  • Pour commencer pour les doctorants :
    Lee, N., & Lings, I. (2008). 
    Doing business research: a guide to theory and practice. Sage.
  • Sur l’épistémologie :
    Esfeld, M. (2006). Philosophie des sciences: une introduction. PPUR presses polytechniques.

  • Sur le design
    De Vaus, D. (2013). Surveys in social research. 
    Routledge.
    De Vaus, D. (2001). Research design in social research. Sage.

  • Sur la méta-analyse
    Hunter, J. E., & Schmidt, F. L. (2004). 
    Methods of meta-analysis: Correcting error and bias in research findings. Sage.
  • Sur les analyses de puissance
    Cohen, J. (2013). Statistical power analysis for the behavioral sciences. Academic press.

4 - Comment cette méthodologie de travail peut être transdisciplinaire (s’adapter à une autre discipline) ou déjà utilisée dans une autre discipline

 Il me semble que les méthodes que j’utilise sont totalement pluridisciplinaires. D’abord, les analyses de puissance sont utilisées en médecine, en science de l’éducation, en psychologie… pour éviter de rendre significatif des effets qui n’ont aucune importance pratique ce qui pose un problème épistémologique, nos théories validées n’auraient alors qu’un effet négligeable, et pour éviter de solliciter trop de sujets ce qui pose un problème éthique, nos essais pourraient alors nuire au-delà de ce qui est nécessaire pour évaluer nos explications. Aussi, les analyses de puissance devraient-elles être mobilisées par toutes les disciplines recrutant des répondants ou des sujets d’expérience. Ensuite, les méta-analyses sont utilisées par toutes les disciplines en proie à des résultats contradictoires ou ayant besoin de connaître l’effet moyen sur la population au-delà de l’effet sur des études individuelles toutes limitées : économie, médecine, éducation, biologie… Parce qu’on ne peut adopter le point de vue de nulle part pour des raisons éthiques sus-mentionnées, on échantillonne et l’on mesure avec des instruments imparfaits dans toutes les disciplines. Aussi, après avoir réalisé beaucoup d’études, veut-on les rassembler pour évaluer s’il existe un effet moyen et sa magnitude dans toutes les disciplines utilisant des échantillons. Enfin, concernant les méthodes de collecte et d’analyse des données, la plupart des disciplines s’inspirent les unes sur les autres. Par exemple, durant ma thèse, j’ai utilisé des calculs d’exposants de Lyapunov, une technique issue de la physique ; durant ma dernière recherche, j’ai utilisé des estimations d’équations structurelles avec l’approche par les moindres carrés partiels – une méthode s’inspirant d’autres utilisées en chimie et en économétrie des séries temporelles. En conséquence, toutes les méthodes sont transdisciplinaires quand elles sont utiles ; il ne faut pas respecter la loi de l’instrument d’Abraham Kaplan: «Donnez un marteau à un jeune garçon, et il trouvera que tout a besoin d’être martelé».

5 - Vos thèmes principaux et transversaux

Mes thèmes de recherche sont transversaux. D’abord, en thèse, j’ai commencé sur le lien entre contrôle et complexité en étudiant la plausibilité de la théorie du chaos appliquée à des ventes de biens à la mode, de la théorie des accidents normaux et de la théorie des organisations hautement fiables appliquées à des opérations de chirurgie et au fret ferroviaire. Cela demande d’utiliser des théories issues de l’économie, de la physique et de la sociologie. Ensuite, à côté de ma thèse, j’ai travaillé sur le lien entre participation budgétaire et performance managériale et sur les déterminants de la complexité des systèmes d’information comptables des petites et moyennes entreprises. Ces domaines requièrent d’utiliser des théories issues de différents champs de la gestion : comportement organisationnel, entrepreneuriat, contrôle de gestion… Enfin, depuis peu, je m’intéresse aux liens entre facteurs de stress et performance en cabinets comptables liant les champs de la comptabilité et du comportement organisationnel. En somme, mes thèmes de recherches sont transversaux, car la transversalité permet de mieux expliquer un phénomène et d’éviter l’omission d’un facteur de confusion, d’un modérateur ou d’une variable de contrôle : l’ouverture disciplinaire évite les mauvaises inférences et renforce la validité interne des conclusions.

6 - Quelles données utilisez-vous dans vos travaux et comment vous les obtenez

J’utilise des données qui sont accessibles ou collectables. D’une part, lorsque des collègues collectivement ont déjà beaucoup travaillé sur une relation, j’utilise des données agrégées, celles disponibles dans les papiers, ou s’ils sont ouverts celles de leurs bases de données individuelles. L’absence d’ouverture des bases de données individuelles en sciences humaines pose bien des problèmes. Quand on fait une méta-analyse sur données agrégées, nous obtenons des résultats qui ne sont pas assez fins. Ce serait mieux d’avoir accès aux données individuelles. Les méta-analyses sont tout de même utiles, elles permettent d’identifier des nouvelles explications et de les tester sur une base de données individuelles nouvelle. D’autre part, après ce travail de synthèse et de lecture critique des articles sur un sujet, il est bien souvent souhaitable de formuler des nouvelles hypothèses et de les tester. Ce test passe par des données secondaires ou primaires. Si d’autres chercheurs ou personnes ont déjà collecté des données permettant de tester ces hypothèses, alors mieux vaut utiliser celles-ci. Sinon, il convient de concevoir un devis de recherche et de l’implémenter pour collecter des données individuelles primaires. Ces données peuvent être collectées en une fois ou plusieurs fois suivant le devis de recherche retenu, et sur un échantillon aléatoire ou non selon la validité des données recherchée. En somme, le principe de moindre action est un bon principe pour la collecte de données.

7 - Quels conseils donneriez-vous aux jeunes chercheurs voulant travailler sur ces méthodes quantitatives

Je donnerais volontiers trois conseils. D’abord, lisez ! La lecture comprend certes une lecture critique de la littérature pertinente sur le sujet. Mais cette lecture inclut aussi des ouvrages sur le style et l’écriture, sur les devis de recherche, sur la méthode et la presse. Les ouvrages sur le style et l’écriture vous permettront de vendre vos travaux à terme. Au début, vous n’en verrez pas l’utilité, mais à la fin de la thèse vous allez voir l’utilité de ces ouvrages. Les livres sur les devis de recherche amélioreront la validité des conclusions de vos recherches : si vos résultats ne sont pas univoques, vos conclusions et contributions à la connaissance seront alors incertaines. En plus, vous verrez alors qu’il faut combiner les designs pour réussir à faire des inférences moins sujettes à objection. Les lectures sur la méthode permettront aussi d’éviter la loi de l’instrument de Kaplan. D’aucuns n’utilisent qu’une seule méthode, ils la maîtrisent certes, mais parfois l’utilisent mal à défaut de connaitre mieux. La lecture de la presse ou d’articles professionnels vont vous permettre in fine de motiver vos articles et de vendre les contributions pratiques de vos travaux.
Ensuite, planifiez ! La planification va vous permettre de surmonter la masse de travail. Par exemple, lorsqu’on reçoit des critiques d’un papier, les émotions peuvent réduire nos chances. Certains rejettent les critiques à cause de quelques mots « durs » du réviseur. Aussi jettent-ils le bébé avec l’eau du bain. D’autres sont tellement impressionnés par le nombre de critiques qu’ils ne voient pas par où commencer. Ils sont en situation d’impuissance acquise. Une solution existe. Décomposer le retour des réviseurs et associer à chaque morceau une action à faire permettent de rendre chaque élément de la révision moins sensible et plus faisable. De même, l’on peut travailler sur plusieurs projets de recherche et les mener à bien en dédiant deux heures chaque jour à la recherche. Pour ce faire, il convient de planifier.
Enfin, écrivez ! C’est en forgeant que l’on devient forgeron ; en écrivant que l’on devient publiant. En premier lieu, lorsque vous discutez avec des collègues, en séminaire, en congrès, il convient de noter ce que l’on vous dit. Tout ne sera pas bon, mais dans le lot des discussions, des remarques, certaines vont vous permettre d’améliorer vos papiers et donc de publier. En second lieu, si vous consacrez deux heures par jour à l’écriture, vous allez rapidement vous améliorer. L’écriture ce n’est pas seulement le fait d’écrire, c’est aussi le fait de relire, de lire des ouvrages sur le style, d’envoyer à un coauteur ou à votre mentor votre prose, de consacrer du temps à lire les corrections de votre prose par un natif… soumettre un papier à un éditeur, lire, décomposer les retours des réviseurs, modifier un papier suite à ces retours… Peu vous le diront car d’aucuns veulent passer pour des génies, mais ceux qui publient le plus dans les meilleures revues sont ceux dont les papiers se font rejeter le plus souvent. En dernier lieu, l’écriture n’est qu’un moyen de diffuser vos connaissances. Vous pouvez diffuser oralement en conférences, séminaires, informellement… Cette diffusion va vous permettre de construire des supports sociaux vous permettant de mieux gérer votre carrière.
En somme, jeunes chercheurs, lisez ! planifiez ! écrivez ! puis le flot vous emmènera là où vous avez une contribution à faire.

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