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Le Chercheur de l’année : Hervé Marchal

Pourriez-vous vous présenter ?

Hervé Marchal
Professeur de sociologie à l’Université de Bourgogne depuis 2017.

• Rédacteur en chef de la revue scientifique Retraite & société, je suis également responsable du master 1 de sociologie (département de sociologie – UB), co-responsable de l’Axe de recherche 2 « Société, représentations, normes » de la MSH de Dijon et responsable du Comité de recherche 01 « Identité, espace et politique » de l’Association internationale des sociologues de langue française (AIISLF).

• Parallèlement, je suis récemment devenu responsable du programme de recherche Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU) dans le cadre de la métropole de Dijon pour les années 2023-2026.

Avec l’aide la MSH de Dijon, je suis, depuis janvier-2022, porteur d’un projet de recherche destiné à financer la centralisation par les archives nationales des archives de la Fondation nationale de gérontologie (FNG) et leur numérisation par la Maison des sciences de l’Homme de Dijon (MSH-Dijon), et ce, afin de constituer un fonds de recherche accessible et retraçant 50 années d’histoire de gérontologie. Et entre janvier 2021 et mai 2022, j’ai été co-porteur d’une recherche pluridisciplinaire sur des publics en suivi d’insertion financée par le Pôle « Solidarités » du Département de la Côte d’Or et entièrement gérée par la MSH de Dijon.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours, de votre formation professionnelle ?

Après avoir réalisé une observation participante durant mon année de maîtrise (1998-1999) au sein des Restos du cœur de Nancy – ce qui a donné lieu à la publication de mon premier article au sein d’une revue à comité de lecture en 2001 –, j’ai décidé d’accepter la proposition de participer à une vaste recherche (d’abord nationale puis internationale) sur le métier de gardiens d’immeubles dans l’habitat social. C’est ainsi que dès mon année de Diplôme d’études approfondies (DEA – 1999-2000), j’ai eu la chance d’intégrer un collectif de chercheurs confirmés et d’assumer une grande partie de la phase qualitative (entretiens et observations participantes) d’une recherche de grande envergure qui allait logiquement devenir mon sujet de thèse – thèse financée en outre par à une allocation de recherche d’une durée de trois années (2000-2003).
Cela étant précisé, en 2010-2011, après dix années passées à mener principalement des recherches sur les cités d’habitat social (très) précarisées, j’ai décidé de regarder au-delà de ces territoires, très investis par les sociologues au demeurant, en vue d’analyser les couronnes périurbaines « pavillonnarisées », lesquelles commençaient seulement à être observées par les sociologues, à quelques exceptions près cependant. Mes premières recherches sur le périurbain m’ont conduit assez rapidement à investir des territoires du périurbain éloigné très peu observés et qui, bien qu’arborant un décor rural, apparaissent manifestement en voie d’urbanisation et en proie à de profondes transformations sociales. C’est cela que j’ai nommé avec mon collègue Jean-Marc Stébé le pré-urbain. C’est notamment au regard de ces travaux que la problématique du vieillissement de la population s’est invitée pleinement dans mes activités de recherche ainsi que celles relatives aux mobilités.

Quelles sont les thématiques abordées par votre laboratoire de recherche ?

Mon laboratoire de recherche, le Laboratoire interdisciplinaire de recherche Sociétés, sensibilités et soins (LMIR3S UMR CNRS 7366) aborde des thématiques relatives à la culture et à l’art, aux cultures populaires et aux conflits, ainsi qu’aux vulnérabilités plurielles affectant les êtres humains.

Quelle est votre méthodologie de travail (aspect épistémologique, méthodes d’analyse des données très fréquemment utilisées) ?

Mon travail consiste à partir du terrain, des paroles recueillies qui sont autant de mises en forme singulière du monde, des autres et de soi. L’objectif est de proposer des interprétations sociologiques fondées sur des données solidement collectées et de réfléchir justement aux manières avec lesquelles les données sont « données » pour ne pas réciter les gens à leur place. Mais bien évidemment, le sociologue que je suis est toujours soucieux de monter en généralité et de proposer des interprétations. Mais toute la question est de savoir à partir de quoi ? D’où parle le sociologue ?
Par exemple, je me suis posé la question, notamment dans le cadre de mon Habilitation à diriger des recherches (HDR) soutenue en 2012, de savoir dans quelle mesure l’automobile peut être considérée comme un habitat. Afin de saisir au plus près du terrain le rapport que les individus – des jeunes aux personnes âgées – entretiennent avec leur automobile et ce qu’ils font réellement au volant, au-delà du seul fait de conduire évidemment, j’ai essayé de penser une méthode ad hoc pour accéder à la fois au dire et au faire : entendons aux représentations et aux pratiques. Cette méthode que je nomme « entretien participant » est sans cesse remise sur le métier, notamment à travers les recherches doctorales que j’encadre depuis mon recrutement en tant que professeur des universités en 2017.

Comment cette méthodologie de travail peut être transdisciplinaire (s’adapter à une autre discipline) ou déjà utilisée dans une autre discipline ?

La méthode de l’entretien participant peut tout à fait trouver des implications fortes dans les travaux des géographes par exemple. Mais parce qu’elle entend saisir le rapport que l’individu entretient avec lui-même, les autres et le monde dans son quotidien, la philosophie et les sciences cognitives peuvent y trouver un intérêt. D’ailleurs, je suis moi-même très proche de la phénoménologie notamment, et très intéressé par les sciences cognitives.

Quels sont vos thèmes de recherche principaux et transversaux

D’une façon générale, mes recherches ont pour toile de fond le processus d’urbanisation actuel avec ses multiples traductions sociales et spatiales. Qu’il s’agisse des gardiens d’immeubles de l’habitat social et plus largement des habitants des quartiers d’habitat social précarisés, des individus dans leur automobile, des habitants du périurbain éloigné ou des vastes zones pavillonnaires plus proches des villes, entre autres, il est en effet question d’explorer les effets et les formes de l’urbanisation caractéristique des sociétés contemporaines. Plus précisément, quatre grandes thématiques structurent mes recherches : 1/ les processus de fragmentations socio-territoriales (bidonvilles, habitat social…), 2/ les espaces périurbains et les zones semi-rurales (mobilités, zones pavillonnaires…), 3/ les rapports aux espaces publics (rue, centres commerciaux) et privés (logement, automobile) et 4/ les processus identitaires individuels et collectifs.

Quelles données utilisez-vous dans vos travaux et comment vous les obtenez ?

Les données que j’utilise sont majoritairement qualitatives mais également quantitatives le cas échéant. Autrement dit, je suis un partisan des méthodologies mixtes en SHS.  Par ailleurs, j’ai aussi participé au développement de données collectées numériquement en collaborant avec une sart-up (Cartodébat) spécialisée dans la mise en place et en forme de consultations destinées à nourrir des protocoles de démocratie participative.

Avez-vous déjà collaboré avec la PUDD ? Si oui, dans quel(s) projet(s) ?

Oui, dans le cadre d’une recherche avec le CD 21 (Département de la Côte d’Or) sur des études de cohortes de leurs bénéficiaires du cumul d’emploi-RSA durant le Covid et les ACI (Ateliers et Chantiers d’Insertion).

Pourriez-vous envisager de collaborer de nouveau avec ce service d’appui proposé par la MSH de Dijon ?

Oui, dans le cadre d’un programme en cours de montage à partir du Fonds documentaire de la Fondation nationale de gérontologie.

Quels pourraient alors être vos besoins en matière de données dans vos recherches ?

Un traitement d’analyse (thématique et structurale par exemple) de corpus de textes devra être mené

Quelles sont les difficultés que rencontrent généralement vos doctorants pour la collecte et l’analyse des données ?

L’accès au terrain, y trouver une place quand il s’agit d’observations ethnographiques est parfois délicat et prend du temps.

A quelle(s) formation(s) souhaiteriez-vous qu’ils puissent participer ?

Cela dépend de leurs besoins, en l’état, tout est en place avec mes doctorants. Souvent, ils sont engagés dans des recherches davantage qualitatives.

Également, auriez-vous des références bibliographiques sur les méthodes d’analyse que vous utilisez ?

Blanchet A, Gotman A (2014) L’enquête et ses méthodes : L’entretien. Armand Colin, Paris, 127 p
Kaufmann J-C (2016) L’enquête et ses méthodes : l’entretien compréhensif. Paris, Armand Colin, 127 p
Glaser G, Strauss A (2010) La découverte de la théorie ancrée. Stratégies pour la recherche qualitative. Armand Colin, Paris, 416 p
Laplantine F (1996) La description ethnographique. Nathan, Paris, 127 p
Pétonnet C (1982) L’observation flottante. L’Homme, 22:37-47

Et pour des références personnelles relatives à la méthode,

Marchal H.(dir.), Initiations à la sociologie. Questions pour apprendre à devenir sociologue, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, Collection « U 21 », 2021, 287 pages.
Marchal H., « Pour quelle rupture épistémologique en sociologie ? », Cahiers Gaston Bachelard, 2020, n° 16, pp. 153-170.
Marchal H., « L’entretien participant : une méthode pour saisir le vécu de l’individu au volant », Recherche Transport Sécurité (RTS-IFSTTAR), 2019, 16 pages, en ligne URL : https://doi.org/10.25578/RTS_ISSN1951-6614_2019-08.  

Enfin pour terminer, quels conseils donneriez-vous aux jeunes chercheurs voulant travailler sur ces méthodes ?

Je leur conseille d’apprendre à être disponible à l’altérité pour être surpris par l’autre, disponible au monde pour apprendre à être interpellé par ce qui nous entoure. Je leur conseille, pour le dire autrement, d’apprendre à être sensible pour proposer des raisonnements scientifiques à la fois indexés à des réalités précises et soucieux de dégager des dimensions analytiques peu visibles et parfois contre intuitives.

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