Séminaire « Migrations, Vivre ensemble » -29 juin, Événement de cloture
Laboratoires porteurs du projet : CRIT (Université de Franche-Comté) et CIMEOS (Université de Bourgogne), avec la participation du laboratoire de philosophie Logiques de l’Agir (Université de Franche-Comté).
Coordination : Bruno Laffort (MCF, UFC), Pierre Bruno (MCF-HDR, UB) et Cécile Moore (Doctorante, UFC)
Si les migrations ont toujours existé – à tel point qu’elles représentent une des caractéristiques fondamentales de toute civilisation – ces dernières se sont considérablement amplifiées depuis quelques décennies, notamment au sein de la « Vieille Europe ». Cette accélération n’est pas sans lien avec le développement du capitalisme et de la mondialisation, tous deux se jouant des frontières physiques, comme des hommes et des femmes qui y résident, appelant de leurs vœux toujours plus de mobilité. Pour autant, on ne pourrait réduire toutes les migrations au seul volet économique.
Les migrations estudiantines se sont accrues elles aussi, avec des États, au Sud, peu soucieux de l’avenir de leurs diplômés (en termes de conditions de vie), ne pouvant leur offrir de surcroît des salaires similaires à ceux auxquels ils peuvent prétendre en Occident. Les femmes également, le plus souvent seules, ont compris que leur émancipation pouvait plus facilement s’inscrire en Occident que dans leur propre pays où le patriarcat s’affiche encore comme le schéma culturel dominant. Dans ces migrations-là, le « choix » du migrant apparaît néanmoins très relatif et reste enchâssé dans des déterminants structurels extrêmement lourds : attention donc à ne pas présenter ces migrants comme des chantres de la mobilité au risque de devenir les porte-paroles du discours néolibéral. D’autres encore n’ont pas eu d’autre choix que de fuir leur pays ravagé par des années de guerre, à l’instar les Syriens qui sont arrivés dans de nombreux pays de la Méditerranée (Liban, Turquie, Jordanie) mais également en Europe, en Allemagne surtout.
Face à ces réalités de terrain, la politique « politicienne » semble totalement dépassée. L’Union européenne n’arrive pas s’entendre pour construire une politique migratoire digne de ce nom, respectueuse des individus qui frappent à sa porte, comme l’a montré les errements, pendant plusieurs semaines, de bateaux à la recherche d’un port pour accoster les migrants qu’ils avaient secourus en mer. On voit aussi ressurgir, au sein même de l’UE, des discours xénophobes qui brouillent le message européen. Même en France, les signaux qui sont désormais adressés aux étudiants étrangers – l’augmentation drastique de leurs frais d’inscription par le gouvernement Macron – deviennent inquiétants. Enfin, nous constatons depuis peu, au sein même de l’université, que certaines problématiques relatives aux migrations et au vivre ensemble de manière large, ne peuvent plus être débattues sereinement. Certaines de ces questions viennent de nos instances elles-mêmes – souvent pour faire diversion – telle que ces fameux propos sur l’islamo-gauchisme dont les universités seraient « gangrénées » ; d’autres sont plus importantes car elles témoignent de luttes symboliques au sein même de la communauté des chercheurs. C’est ainsi que le dernier ouvrage de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, Race et sciences sociales. Essai sur les usages publics d’une catégorie a soulevé de nombreuses polémiques. Les deux auteurs souhaitaient y dénoncer comment l’usage de la catégorie « race » avait progressivement remplacé celle de la « classe sociale » comme variable dominante explicative pour expliquer les problèmes des classes dominées et notamment celles issues des migrations. Le succès croissant des studies (cultural studies, black studies, etc.) qui nous viennent d’Outre-Manche rendent l’analyse difficile et de plus en plus fragmentée ; il est vrai que ces études s’inscrivent dans des réflexions nouvelles de sociétés « singularistes » où l’individu occupe une place singulière et autonome et cherche parfois à la revendiquer.
Enfin, comme dans toutes les époques de précampagne électorale, nombre de partis politiques – et pas seulement ceux situés à l’extrême-droite – usent et abusent des deux problématiques de la sécurité et de l’immigration (qui seraient soit-disantes liées), alors que les préoccupations des Français sont bien ailleurs (chômage, pouvoir d’achat, lutte contre le réchauffement climatique, etc.). Dès lors, quel peut être le rôle des chercheurs qui travaillent sur ces questions-là ?
Avec beaucoup d’humilité, il s’agit de montrer les phénomènes migratoires au grand jour, chercher à comprendre le fonctionnement de nos sociétés pluriculturelles et post-industrielles, réfléchir à des manière de retisser le « vivre-ensemble » mis à mal par des décennies de politiques néolibérales, prendre du recul sur des querelles stériles qui se font formées au sein même de nos universités, montrer les dysfonctionnements de nos politiques d’accueil ; voici quelques-unes des tâches que pourrait s’assigner ce séminaire.
Ce séminaire est organisé par deux laboratoires pluridisciplinaires, le CRIT (Université de Franche-Comté) et le CIMÉOS (Université de Bourgogne). Cette volonté d’ouverture à plusieurs disciplines (sociologie, linguistique, littérature, philosophie, psychologie, cette liste n’étant pas exhaustive) susceptibles de s’éclairer et de s’enrichir mutuellement constitue un pari pour une meilleure compréhension des phénomènes migratoires. Il est prévu pour démarrer ce cycle par des contributions théoriques pour cadrer et contextualiser le séminaire ; les autres séances présenteront plutôt des recherches de terrain. Ces dernières permettront de comprendre de l’intérieur les difficultés auxquelles bon nombre de personnes sont confrontées aujourd’hui lorsqu’elles arrivent en France, sans occulter bien sûr les situations plus positives quand ces parcours de vie arrivent à s’inscrire dans la durée au sein de notre pays.
THÉMATIQUE DE L’ANNÉE 2021/2022
LES JEUNES MIGRANTS À L’ÉPREUVE DES INSTITUTIONS FRANÇAISES : ENTRE DISCRIMINATION ET BIENVEILLANCE
Il s’agira pour cette première année de confronter les jeunes migrants (jeunes mineurs sans papiers, étudiants étrangers arrivants en France sans allocation, couples mixtes, etc.) aux institutions françaises avec lesquelles ils auront affaire (Préfecture, Conseil général, Éducation nationale, Universités, etc.). L’idée sera de montrer qu’il existe souvent des tensions entre ces différentes institutions et les jeunes qui y sont confrontés. Le séminaire essaiera d’analyser ces tensions – parfois antagoniques – en montrant comment ces dernières peuvent être sources de déstabilisation pour ces jeunes migrants.
Mardi 8 février 2022
– Pierre Bruno (CIMEOS, UB) : Discriminations en milieu scolaire et universitaire : de quoi parle-t-on ?
– Aurélien Aramini (Logiques de l’Agir, UFC) : Retour sur une enquête de lutte contre le racisme en milieu rural et sur ses effets connexes
Mercredi 2 mars 2022
– Laura Odasso (Collège de France) : L’impact de la crise sanitaire sur les procédures administratives des couples binationaux et des familles migrantes
jeudi 7 avril 2022
– Anne-Sophie Calinon (CRIT, UFC) : La mise en discours de la réussite académique : la parole aux étudiantes et aux étudiants algériens en mobilité en France
mercredi 11 mai 2022
– Bruno Laffort, CRIT, UFC, Misère et richesse des étudiants maghrébins et africains en France
– Alexis Kouadio Lally, Université de Korogho, Côte d’Ivoire, Travailler et étudier en France. La difficile expérience des étudiants africains travaillant dans la sécurité