Formes et enjeux de la densification, vers un aménagement durable des territoires bourguignons (suite…)
L’étalement urbain en cours depuis les années 1970 change la physionomie historique de nos espaces urbains. Ces dynamiques spatiales correspondent à des tendances sociales fortes, communément qualifiées de « rêve pavillonnaire » : accès à la propriété privée d’une maison individuelle avec jardin dans un cadre de vie peu dense, près de la ville mais non citadin.
Depuis la fin des années 1990, ce phénomène spatial est décrié et les tendances sociales qui le portent également. En effet, une pensée politique et urbaine prenant de plus en plus en compte le développement durable et la lutte contre le changement climatique a mis en évidence les effets négatifs de ces dynamiques d’étalement urbain : pertes énergétiques par manque de compacité du bâti, artificialisation et imperméabilisation des sols sur de grandes surfaces le plus souvent prises aux espaces agricoles ou naturels, mais surtout recours quotidien indispensable à la voiture particulière, sur des trajets longs et fréquents. Par ailleurs, certains de ces espaces créés par les dynamiques d’étalement, le plus souvent appelés périurbains, manquent parfois de services, d’équipements et d’emplois. Dès lors, la plupart des politiques nationales dédiées à l’aménagement du territoire recherchent la densification, depuis la loi SRU jusqu’au projet de loi ALUR, en passant par la loi Grenelle 2, afin de lutter contre les effets néfastes de l’étalement urbain.
Ces préconisations nationales sont mises en œuvre sur le territoire bourguignon notamment par les services de l’Etat. Néanmoins, avec le changement d’échelle, les réalités bourguignonnes appellent un autre regard sur les pertinences régionales de ces préconisations nationales. Les accompagnements en aménagement urbain réalisés par la DREAL, les DDT et l’ADEME ont mis en évidence ces difficultés à densifier. Aux yeux de ces institutions, mais aussi des acteurs enquêtés en Bourgogne, les aspirations sociales aux cadres de vie périurbains semblent apparaître plus fortement en Bourgogne, davantage marquée par son réseau de villes petites et moyennes, articulées à leurs arrière-pays à l’agriculture compétitive que par sa métropolisation et sa citadinité. De nombreux élus locaux bourguignons, représentant ces aspirations sociétales, questionnent la préconisation étatique.
De plus, d’autres problématiques territoriales apparaissent majeures en Bourgogne, elles sont d’autant plus complexes qu’elles sont imbriquées aux dynamiques d’étalement urbain. Il s’agit d’abord de l’attractivité, résidentielle tout autant qu’économique, de ces espaces intermédiaires, qu’ils soient urbains, périurbains ou ruraux. En opposition avec les nouvelles constructions de maisons individuelles en périphérie des bourgs, la dégradation et la vacance associée des logements dans certains centres-villes ne doivent pas être mis de côté. Le paradoxe de l’intensification des territoires dépeuplés, perdant leurs services et équipements, est parfois crucial. En Bourgogne, espace régional de transit d’échelle européenne, les mobilités durables des habitants mais aussi des entreprises, actives ou en commun, constituent un axe politique essentiel. Ces problématiques, au même titre que la préconisation de densification, malgré leur difficulté d’articulation, sont au cœur des préoccupations du Conseil Régional de Bourgogne, qui les place au centre de son SRADDT en cours de révision.
La densification se présente alors comme un objet spatial mais aussi sociétal et politique complexe. D’abord sa mise en œuvre pose directement la question de des modalités d’application, dans ses formes spatiales en fonction du prisme scalaire, dans ses formes bâties, mais aussi et surtout sa place au rebours d’aspirations sociales qui semblent dominantes.
La MSH de Dijon, dans le cadre d’une collaboration avec la DREAL en 2012-2013, a conduit une recherche exploratoire sur cet objet spatial et sociétal qu’est la densification. Ce catalyseur d’aspirations politiques et sociales a tendance à fonctionner comme un écran de problématiques sociétales et de dynamiques spatiales emmêlées.Le programme de recherche présent se propose de démêler la notion de densification, encore mal connue, et dont les effets s’avèrent finalement difficiles à évaluer. Cette clarification nécessaire se situe au croisement de plusieurs champs de recherche scientifique.
Cette clarification scientifique a pour objectif concret d’aider à la décision et à la mise en œuvre des politiques d’aménagement durable des territoires bourguignons, menées par les acteurs partenaires du programme : le Conseil Régional de Bourgogne, la DREAL Bourgogne et l’ADEME Bourgogne.
Une première phase de réflexion et d’étude dite « phase exploratoire » (2013-2014) financée par la DREAL a permis de dessiner des pistes de recherche. Le présent programme porte sur une année dite « intermédiaire » (mai 2014-mai 2015) destinée au terrain de la recherche et à la collecte de matériaux.